Les dispositions de l’article 33 de la Constitution de l’OIT ne précisent pas la nature des mesures que le Conseil d’administration peut recommander à la Conférence internationale du Travail d’adopter lorsqu’un Membre manque de façon flagrante et persistante à ses obligations. Ces dispositions découlent d’un amendement à la Constitution de l’OIT adopté en 1946. Le texte de l’article 33 adopté en 1919 ne prévoyait que des sanctions économiques pouvant être imposées à un Membre en cas de manquement aux recommandations d’une commission d’enquête. La disposition initiale avait «été soigneusement élaborée en vue d’éviter l’application de sanctions, excepté en dernier lieu lorsqu’un Etat s’est refusé d’une manière flagrante et persistante à remplir les obligations que lui impose une convention». (Cliquez ici pour lire le rapport présenté par la Commission de la législation internationale du travail, p. 270).
L’amendement de 1946 a élargi l’éventail des mesures qui pouvaient être recommandées, en laissant au Conseil d’administration toute latitude pour adapter son action aux circonstances du cas particulier (Rapport de la délégation pour les questions constitutionnelles, partie 1, paragr. 64).
Il est entendu que le Conseil d’administration a néanmoins de bonnes raisons de fonder sa décision sur deux critères. Le premier découle des recommandations des commissions d’enquête elles-mêmes: la mesure à prendre doit correspondre aux objectifs des recommandations de la commission d’enquête. Le second critère découle de l’article 33 lui-même et concerne le fait que les mesures doivent être jugées par le Conseil d’administration comme étant adaptées pour assurer la conformité aux recommandations de la commission d’enquête (Document GB.276/6 du Conseil d’administration, paragr. 19).
Il est également entendu que le Conseil d’administration ne peut pas proposer une décision concernant la suspension ou l’expulsion d’un Etat Membre. C’est ce que l’on peut conclure du fait que les deux amendements constitutionnels adoptés par la Conférence internationale du Travail lors de sa 48e session en 1964 concernant la suspension ou l’expulsion d’un Membre ne sont pas entrés en vigueur parce que le nombre de ratifications était trop faible (Document GB.276/6 du Conseil d’administration, paragr. 20).
Le Conseil d’administration n’a jusqu’à présent utilisé qu’une seule fois l’autorité qui lui est conférée par l’article 33.
- En 1999, il a proposé une action qui devait aboutir à l’adoption par la Conférence internationale du Travail de deux résolutions recommandant des restrictions à la participation du Myanmar à l’Organisation et à la communauté internationale dans son ensemble.
- La commission d’enquête créée par le Conseil d’administration en 1997 pour examiner le respect par le Myanmar de la Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, en réponse à une plainte contre le gouvernement du Myanmar déposée par 25 délégués des travailleurs à la Conférence internationale du Travail, a terminé ses travaux en 1998. Elle a constaté qu’il y avait de très nombreux éléments de preuve montrant que «les autorités civiles et militaires pratiquent de façon très généralisée le recours au travail forcé qui est imposé à la population civile dans tout le Myanmar» et a fait plusieurs recommandations d’action pour améliorer la situation (Cliquez ici pour lire le rapport de la commission d’enquête désignée pour examiner le cas du Myanmar, paragr. 528).
- Le Directeur général a ensuite fait savoir aux membres du Conseil d’administration en mai 1999 que «rien n’indiquait que les trois recommandations de la commission d’enquête ont été suivies».
- Compte tenu de la gravité de la situation, la Conférence internationale du Travail a adopté en 1999 une résolution déplorant la persistance de «la pratique du travail forcé – qui n’est rien d’autre qu’une forme contemporaine d’esclavage – sur le peuple du Myanmar», et décidant «que l’attitude et le comportement du gouvernement du Myanmar sont manifestement incompatibles avec les conditions et principes régissant l’appartenance à l’Organisation». Elle a également décidé «que le gouvernement du Myanmar devrait cesser de bénéficier de toute coopération ou de l’assistance technique de l’OIT, sauf l’aide directe pour l’application immédiate des recommandations de la commission d’enquête» et «que le gouvernement … ne devrait plus dorénavant recevoir d’invitation à participer à des réunions, colloques ou séminaires organisés par l’OIT, en dehors des réunions ayant pour seul objet d’assurer l’application immédiate et entière desdites recommandations, tant qu’il n’aura pas mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête» (Cliquez ici pour lire la Résolution concernant le recours généralisée au travail forcé au Myanmar).
- En mars 2000, le Conseil d’administration a soumis à la Conférence internationale du Travail, pour adoption, un certain nombre de mesures au titre de l’article 33.
- En juin 2000, la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution recommandant: a) aux mandants de l’OIT de revoir leurs relations avec le Myanmar afin de s’assurer que ledit Membre ne peut pas profiter de ces relations «pour perpétuer ou développer le système de travail forcé ou obligatoire visé par la commission d’enquête et afin de contribuer dans la mesure du possible à la mise en œuvre de ses recommandations»; et b) aux organisations internationales de reconsidérer leur coopération avec le Myanmar «et, le cas échéant, de mettre fin le plus rapidement possible à toute activité qui pourrait avoir pour effet de conforter, directement ou indirectement, le travail forcé ou obligatoire.
- Tant que les restrictions sont restées en vigueur, la CAN a examiné la situation en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête chaque année «lors d’une séance spécialement consacrée à cet effet de la Commission de l’application des conventions et recommandation» (Cliquez ici pour lire la Résolution relative aux mesures recommandées par le Conseil d’administration au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT au sujet du Myanmar).
- En 2012, la Conférence internationale du Travail a décidé de lever les restrictions à la lumière des progrès réalisés par le Myanmar pour se conformer aux recommandations de la commission d’enquête (Cliquez ici pour lire la Résolution concernant les mesures sur la question du Myanmar adoptées en vertu de l’article 33 de la Constitution de l’OIT). Les progrès substantiels notés par la CAN et la CEACR au cours de la même année comprenaient:
- (i) les ordonnances émises en mars 2012 par le commandant en chef des forces de défense, avisant tous les membres du personnel des forces armées que des mesures disciplinaires strictes et rigoureuses seront prises à l’égard de ceux qui auront enrôlé des personnes n’ayant pas l’âge légal, et les ordonnances d’avril 2012 rendant la nouvelle loi sur l’interdiction du travail forcé applicable aux militaires, qui encourront désormais les poursuites prévues à l’article 374 du Code pénal;
- (ii) les allocations budgétaires réservées au paiement des salaires afférents aux ouvrages publics, quel qu’en soit le niveau, pour 2012-13;
- (iii) les progrès de la traduction dans les langues locales de la brochure relative au mécanisme de plainte;
- (iv) la déclaration faite le 1er mai 2012 par le Président de la République, engageant le gouvernement à accélérer le processus d’éradication de toutes les formes de travail forcé; et
- (v) les mesures disciplinaires prises à l’égard de 166 membres du personnel des forces armées et la procédure engagée sur la base de l’article 374 du Code pénal contre 170 fonctionnaires et cinq autres militaires (Cliquez ici pour voir dans la base de données NORMLEX l’observation de la CEACR, adoptée en 2012 et publiée dans le rapport soumis à la 102e session de la Conférence internationale du Travail (2013)).