L’article 26 de la Constitution de l’OIT permet qu’une plainte soit déposée par un Etat Membre au Bureau lorsqu’il est allégué qu’un autre Etat Membre n’assure pas de manière satisfaisante l’exécution d’une convention que les deux ont ratifiée. Une plainte peut être également déposée par un délégué à la Conférence internationale du Travail.
Les articles 26 à 29 et 31 à 34 de la Constitution de l’OIT régissent la procédure qui donne au Conseil d’administration l’autorité de traiter une plainte et le choix de communiquer à l’Etat Membre quel est l’objet de la plainte.
À tout moment, sur réception d’une plainte ou d’office, le Conseil d’administration peut décider d’établir une commission d’enquête pour étudier la plainte et déposer un rapport à ce sujet. Aucun Règlement additionnel limite le pouvoir discrétionnaire du Conseil d’administration en ce qui concerne le moment, la forme ou le fond pour traiter une plainte.
En pratique, l’établissement d’une commission d’enquête est la procédure d’investigation de plus haut niveau, considérée comme une mesure de recours de dernière chance. Voir l’encadré ci-dessous sur la nature de la procédure et la façon dont elle est utilisée en pratique.
Nature de la procédure
Sur une période de 85 ans (1934 à 2019) depuis la soumission de la première plainte, le Conseil d’administration a traité 34 plaintes au titre de l’article 26. Toutes les plaintes sauf trois, y compris les plaintes déposées au cours des 40 dernières années, alléguaient le non-respect d’au moins une convention fondamentale.
De celles-ci, 33 procédures de plainte ont été closes à la suite soit d’une décision du Conseil d’administration soit de l’adoption des recommandations d’une commission d’enquête. Dans un cas, la procédure de plainte est encore en cours.
Au fil du temps, 13 commissions d’enquête ont été établies au total et ont remis des rapports. Cela représente moins de la moitié des plaintes déposées au titre de l’article 26. Dans tous les cas les organes de contrôle régulier ont fait le suivi des recommandations de la commission d’enquête. Pour ce qui est des plaintes qui ont été closes sans investigation par une commission d’enquête, le Conseil d’administration a demandé aux organes de contrôle régulier de faire le suivi des questions soulevées dans la plainte.
Le recours à la procédure de plainte a évolué au fil du temps Les premières plaintes concernaient des Etats Membres individuels cherchant à résoudre les conflits bilatéraux sur le respect d’une convention de l’OIT qui ne faisait pas toujours l’objet d’un examen préalable approfondi par les organes de contrôle régulier. Dans les décennies récentes, la procédure est plus utilisée par les délégués des employeurs et des travailleurs pour soulever des cas de non-respect déjà examinés par d’autres organes de contrôle, mais suffisamment graves pour justifier l’attention multilatérale accrue et la décision juridiquement contraignante que permet la procédure.
En l’absence de Règlement, aucun autre critère de recevabilité que ceux énoncés à l’article 26 de la Constitution de l’OIT ne doit être rempli pour que le Conseil d’administration entame l’examen de la plainte, c’est-à-dire:
- la plainte doit être déposée auprès du Bureau par un Etat Membre qui a ratifié la convention qui fait l’objet de la plainte ou par un délégué à la Conférence internationale du Travail;
- l’Etat Membre contre lequel la plainte est déposée doit avoir ratifié la convention qui fait l’objet de la plainte;
- la plainte doit indiquer que, selon le plaignant, l’Etat Membre contre lequel la plainte est déposée «n’assurerait pas d’une manière satisfaisante l’exécution d’une convention» d’une convention qu’il a ratifiée.
Les membres du Conseil d’administration déterminent les étapes de la procédure à suivre pour les plaintes de manière ponctuelle. Dans certains cas, et en particulier dans la période récente, cela a permis de définir avec souplesse une approche efficace pour obtenir une réponse consensuelle et globale, associant l’orientation normative au soutien technique, à une violation alléguée, tout en assurant le respect des NIT ratifiées sans établir une commission d’enquête.
Bien que les décisions sur le renvoi éventuel à une commission d’enquête aient été prises assez rapidement au cours des décennies précédentes, il semble que ces dernières années le Conseil d’administration ait joué un rôle plus actif en considérant, comme première étape, si des mesures provisoires, telles que les missions de haut-niveau, les contacts directs, la conclusion d’accords tripartites, les accords de coopération technique ou d’autres protocoles d’accord permettraient de résoudre les problèmes soulevés dans la plainte avant de prendre une décision sur la nomination d’une commission d’enquête. Par exemple, les progrès réalisés grâce à de telles mesures provisoires dans les cas du Bahreïn, des Fidji et du Qatar ont abouti à la clôture des plaintes respectives sans établir une commission d’enquête.
Les mesures intérimaires ne sont pas en tant que telles sanctionnées par la Constitution de l’OIT, mais tirent leur légitimité du pouvoir discrétionnaire accordé au Conseil d’administration en vertu de son article 26 d’établir une commission d’enquête ou de clore la procédure de plainte sans établir une commission d’enquête. En tant que telles, les mesures intérimaires devraient reposer sur un consensus selon la pratique de prise de décision établie au sein du Conseil d’administration.
La même souplesse a également généré une certaine incertitude quant à la procédure, en particulier en ce qui concerne les limites du pouvoir discrétionnaire du Conseil d’administration de reporter la décision d’établir une commission d’enquête.
En ce qui concerne les premières plaintes, le Conseil d’administration avait décidé de nommer une commission d’enquête sans discussion, ce qui donne à penser que cette décision était perçue comme résultant automatiquement de la recevabilité d’une plainte déposée. Peu à peu, la décision d’établir une commission d’enquête a été prise sur la base d’informations fournies par les plaignants ainsi que par les mandants de l’OIT. Ce processus d’échange d’informations a parfois retardé de plusieurs années la décision de nommer une commission d’enquête ou a même conduit à la décision de clore la procédure de plainte sans nommer une commission d’enquête du tout.
Pour en savoir plus sur la procédure au titre de l’article 26, une présentation sous forme de diagramme est aussi disponible.